Chrétiens de Kabylie, 1873-1930 par Karima Direche-Slimani [1/2]
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 Published On Sep 9, 2011

« L'auteur époussette une documentation riche et encore inexploitée. Elle nous invite aux archives des missionnaires qui se trouvent à Rome (Maison généralice des missionnaires) ou à Alger (archevêché), nous laissant entrevoir les trésors qu'elles recèlent. Des registres de catholicité ou Liber status animarum, et des registres de baptêmes in articulo mortis; des diaires qui nous renseignent sur le statut personnel des populations, sur leur état sanitaire et médical ainsi que sur l'univers des individus, des familles et des missionnaires eux mêmes.
Karima Dirèche-Slimani affronte également la parole hésitante et fuyante des concernés eux-mêmes. Les Kabyles chrétiens que l'auteur a rencontrés ne parlent pas facilement de quelque chose qui aujourd'hui encore travaille leur être au monde.
Karima Dirèche-Slimani nous décrit les conditions historiques et sociologiques de la Kabylie de la fin du XIXe siècle en partant de la donnée géographique. La Kabylie montagneuse, plus pauvre, n'avait pas suscité beaucoup d'intérêt aux yeux des Ottomans qui l'avaient délaissée ; et la colonisation française a longtemps hésité avant de la conquérir. Les différentes insurrections appellent cependant à une répression féroce qui coûtera très cher à cette partie de la Kabylie (70 % de son capital selon R. Ageron) et fera fuir toutes ses élites traditionnelles. Faisant le lien entre cette violence répétée et " la fuite des élites locales, notamment des clercs et des grandes familles maraboutiques ", Karima Dirèche-Slimani considère que " Les insurrections de 1857 et surtout de 1871 sont des moments majeurs de décléricalisation de la Kabylie ". Paupérisation, violence et déstructuration sociale ont précédé ou orienté l'installation des missionnaires dans une région fragilisée où ils ont été témoins et en partie acteurs des profondes mutations. Au-delà des raisons historiques et géographiques, l'implantation chrétienne en Haute-Kabylie est en partie facilitée par la quasi-absence de lieux confrériques, concentrés en grand nombre dans la plaine et dans la partie orientale de la basse Kabylie. Ainsi, par le hasard de la géographie et de l'histoire, au cœur du massif du Djurdura, cinq tribus (Ath Smaïl, Ath Menguellet, Ath Yenni, Beni Douala et les Ouadhia) se trouvent concernées par le phénomène de la conversion, si rare par ailleurs dans l'histoire de l'Algérie coloniale.
Au travers de ces "conversions de la misère" Karima Dirèche-Slimani nous laisse entrevoir une société en lambeaux où le dénuement et la maladie vont quelquefois pousser des parents à abandonner leur propre enfant en espérant ainsi le sauver. Recueilli et baptisé, le converti demeurera attaché à sa culture d'origine. Les mœurs paraissent plus fortes que la foi. Autrement dit la dimension sociale de la religion (pratiques matrimoniales, circoncision, etc.) semblent l'emporter sur son aspect privé. Sous peine d'un échec total, l'Église se voit obligée de s'accommoder d'écarts incongrus.
Complétant et confirmant la thèse défendue par le livre de Kamel Chachoua, L'islam kabyle, cette excellente étude vient à point nommé. Elle permettra sans aucun doute de mettre un peu d'ordre dans la surenchère et la polémique à propos de l'évangélisation des Kabyles que l'actualité de ces derniers mois a relancées en Algérie. C'est peut être volontairement que Karima Dirèche-Slimani n'y fait même pas allusion. Elle laisse le lecteur tirer ses propres conclusions... » (extrait d'un article d'Abderrahmane Moussaoui CNRS-IDEMEC, Aix-en-Provence)

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