Aux portes du pays Montréal 25 juin 1990 ©SRC 1990
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 Published On May 28, 2015

En 1990, les plaines d'Abraham et l'île Sainte-Hélène furent tour à tour les sites du spectacle « Aux portes du pays ». Animé par Gilles Vigneault, Paul Piché et Michel Rivard, cet événement attira environ 200 000 personnes.

C’est la Saint-Jean de 1990 qui marque véritablement le retour du défilé à grand déploiement, plus que jamais médiatique. Cette année-là, le traditionnel mouton fait son retour, mais cette fois il est seul, énorme et noir. Il ouvre le défilé et est censé symboliser la diversité culturelle du Québec contemporain, alors qu’il est tiré par 24 jeunes issus des communautés culturelles et suivi de danseurs autochtones. L’Accord du lac Meech ayant été torpillé la veille, c’est dans un intéressant revirement symbolique que le Mouton de Troie (c’est le nom que les organisateurs lui ont donné) prend alors pour plusieurs la figure emblématique du Québec au sein de la Confédération.

La polarisation du moment mobilise la population, qui afflue dans les rues de Montréal pour manifester son attachement au Québec, alors que plus de 200 000 personnes assistent au défilé. Celui-ci est d’ailleurs retardé d’un jour à cause de la pluie, laquelle n’empêche pas des manifestants de se rendre malgré tout, le 24, jusqu’à la demeure de Pierre Elliott-Trudeau à Outremont pour manifester leur mécontentement à l’ancien Premier ministre qui a grandement contribué à l’échec de l’accord constitutionnel.

Dans ce contexte très chargé politiquement, le comédien Jean Duceppe, porte-parole des festivités (comme il l’avait été en 1974), y va d’un discours patriotique inspiré par le sentiment de révolte ambiant vis-à-vis du refus du reste du Canada de reconnaître un statut particulier au Québec au sein de la Confédération :

On remarque l’utilisation, par Duceppe, d’un « nous » référant explicitement aux Franco-Québécois et qui, dans ce discours, se fond avec le sujet politique québécois (l’appel aux Québécois et Québécoises comme citoyen-ne-s du Québec). Alors que la fête faisait effectivement place à l’altérité en invitant Autochtones et immigrants à s’y intégrer, la polarisation du contexte politique et des esprits laissa rapidement poindre un référent national francophone plus affirmé et clairement à la base de la définition de l’ensemble politique québécois.

Par ailleurs, si cette mobilisation nationaliste sans précédent depuis le référendum de 1980 ne donna pas lieu à des débordements « anti-Canada », il reste que le contexte influença grandement la tenue de la Fête du Canada, une semaine plus tard. Ainsi, plusieurs municipalités annulèrent tout simplement les célébrations, dont la ville de Québec, alors qu’à Montréal, les autorités s’en dissociaient et les confiaient à un organisme privé. Au-delà de la Saint-Jean-Baptiste, et pour la première fois depuis les années 1960, la Fête du Canada se voyait elle aussi cooptée par le contexte politique, son espace et sa symbolique devenant ouvertement conflictuels avec la question de l’identité et la reconnaissance du Québec au sein du Canada.

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